La marine chinoise : Le retour de l'amiral Zheng He
- Détails
- Écrit par A.Villefayaud
La Chine est aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale, et la première exportatrice. Elle renoue ainsi avec une tradition de plus de six siècles, périodiquement interrompue de tentations de repli continental. Retour en arrière et état actuel du potentiel maritime de l’Empire du Milieu.
- 1 - L'empereur et L'amiral
En 1403 Yongle (Zhu Di) 3° empereur de la dynastie des Ming, ordonna aux chantiers navals de Fujian la construction d’une flotte de 200 vaisseaux. Les plus grands, les « baochuans « avaient 126 mètres de long 51 mètres et jaugeaient plus de milles tonneaux. De leurs 9 mats, ils déployaient 12 voiles (en 1492 la Santa Maria de Christophe Colomb faisait 28 mètres) ; Bien que difficile a manœuvrer et très vulnérable pendant les moussons « cette flotte au trésor » accomplie 7 expéditions.
En 1405, sous le commandement de l’amiral Zheng He choisi par l’empereur, la marine des Ming appareilla du port de Taicang à l’embouchure du fleuve bleu (près du Shanghai d’aujourd’hui).
317 navires, furent armés. 27000 hommes embarquèrent : marins, soldats médecins, interprètes, astronomes, agronomes, et différent savants de toutes disciplines, commerçants, juristes etc.
Passant le détroit de Malacca ils touchèrent Chittagong… au Bengladesh, Calicut aux Indes. Après le détroit d’Ormuz, Zheng He (Sanbao Miao ou Sanbao Taijian ) passa le détroit de Bab el Manded (Mer rouge).
La 7 eme expédition atteignit Zanzibar et les cotes de Tanzanie. La Chine était à cette époque la première puissance maritime mondiale, disposant de techniques navales inégalées.
En 1424 à la mort de Zhu Di, son fils ne put résister à l’influence des «continentalistes» très nombreux à la cour. En 1436 le nouvel empereur ordonna la destruction des navires et l’arrêt des chantiers navals. Les personnels furent affectés à la modernisation du « grand canal ». En 1500, un décret impérial interdit à quiconque, sous peine de mort, de construire un navire de plus de deux mâts. Puis en 1644 arrivèrent les Mandchous…des terriens.
La marine impériale chinoise s’endormit pour plusieurs siècles……….
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La Santa Maria de Christophe Colomb comparée à un boachuans de Zheng He |
Les sept missions de l'amiral Zheng He |
- 2 - En 2010, la marine marchande chinoise est maintenant bien réveillée : la rivière souterraine
En 1949 la marine marchande chinoise en 1949 n’existe plus et ce n’est pas le seul souci des communistes qui arrivent au pouvoir. Le commerce extérieur est alors celui d’un pays exsangue qui est en guerre depuis plus d’une décennie, qui a subi l’occupation japonaise et la guerre civile. (1)
Aujourd’hui en 2010 elle est devenue la deuxième puissance économique mondiale - premier exportateur et deuxième importateur –
Lorsque l’on sait que les échanges commerciaux de ce pays s’effectuent (jusqu’à présent) pratiquement essentiellement par voie maritime- C’est la géographie et les circonstances historiques qui le veulent- Il n’est pas facile d’imaginer l’effort extraordinaire que ce pays a du faire en quarente ans a pour en arriver là. Comment cette marine marchande est passée du néant à la quatrième et bientôt troisième place. Que s’est-il passé ……?. A partir de 1970, comme une rivière souterraine, elle a grandi et jaillit à la lumière à partir des années 1990.
- LES GRANDES COMPAGNIES D’ETAT
1 - 
LA COSCO :
En 1961 la République Populaire de Chine (RPC) créait sa première compagnie maritime : la China océan steamschip corporation - COSCO – en achetant deux navires d’occasion.
En 1970 la COSCO arme 25 navires d’une capacité de 200.000 tonnes.
En 1978 la flotte nationale était estimée par le Lloyd’s à 102 navires représentant 324000 TJB (2) .Mais c’était une flotte hétéroclite, dont 85 % de navires avaient 20 ans d’âge
A partir de 1985 a COSCO démarre. Elle achète six navires porte-conteneurs d’occasion à l’armement MAERSK. C’est le début d’une ascension vertigineuse.
En 2003 la COSCO devient la 9° compagnie mondiale avec 171 navires et 3,5 millions conteneurs transportés.
En 2005, elle fait un coup de poker, elle est première a acheter 4 porte-conteneurs de 10.000 EPV. (3)
2 - 
La CSCL/ groupe CSG :
La société a été fondée le 1 Juillet 1997 par la fusion de 3 compagnies régionales : les Shanghai, Dalian et Guangzhou shipping c°. Elle a son siège social au 700 route de Dong Da Ming à Shanghai. C’est l'une des entreprises publiques clés du développement de la marine marchande chinoise. Elle est sous l'administration directe du gouvernement central.
L’ensemble de sa flotte comprend plus de 440 navires avec un port en lourd total de 20,18 millions de tonnes.
La China Shipping (group),company contrôle 3 sociétés cotées au Hong-kong stock exhange et la Shanghai stock exhange :
- La China Shipping Containers Lines
- La China Shipping Développement
- La China Shipping Haischeng
La CSG s'est diversifiée dans les entreprises de GNL, la logistique intégrée, Shipping Agency, le fret aérien, la construction et la réparation navale, la fabrication de conteneurs, la gestion des terminaux, l’ingénierie financière, les ressources humaines, le trading, le catering, les technologies de l'information.
- 3 - Hong-Kong : le grand port chinois et sa marine
Les économistes, les experts maritimes , se demandent s’il faut ajouter la marine marchande de Hong-Kong et sa logistique portuaire au potentiel de la grande Chine. Il y a longtemps que le gouvernement de Pékin et même tous les chinois se ne posent plus la question.
C’est très intéressant de voir comment la République Populaire de Chine a récupéré au fil du temps le gros de la flotte de Hong-Kong et ses impressionnantes infrastructures multimodales.
Les compagnies de Hong-Kong
1 - 
l’OOCL :
La China Merchant Shipping C° a une histoire mouvementée. C’est une très ancienne compagnie fondée en 1873 sous l’impulsion du vice-roi Li- Hongzhan pour lutter contre le monopole occidental né des traités inégaux. Elle est coupée en deux au cours de la tourmente révolutionnaire, 80 de ses 95 navires partent à Taiwan. En 1950, le gouvernement de Pékin la réinstalle à Hong-Kong et en fait son interface maritime avec le reste du monde.
A partir de 1956 la flotte de la CMS se reconstitue. En1997-98, la China Merchant Shipping C° est restructurée par le regroupement de 12 compagnies.. Ses infrastructures sont transférées à la China Merchants International Holding Co-ltd- CMIH.
En 1980 la CMS créait une nouvelle filiale avec deux petits pétroliers de 10.000 tonnes, la Hong kong Ming Wah Shipping Co.
En 1988 celle-ci achète 50 % de l’orient Overseas containers- OOCL- créé par l’armateur TUNG Chao Yung. Elle fut rachetée en totalité en 1997 par la CMS ; A la mort de TUNG en 1982, son fils TUNG Chee Wah Yung) lui succède. Nous allons bientôt le retrouver.
2 - 
World Wide Shipping :
En 1991 meurt Sir Yue Kong PAO président de la World Wide Shipping C°. Le plus grand armateur du monde, 7 fois la flotte d’Onassis, le grand ami de DENG XiaoPing, “ the King of the sea” comme l’appelait le Newsweek. Cette année là CMS rachete 25 % de WWS. (4)
3 - 
Hutchinson Whampoa :
Fondée en1861 par le britannique John Hutchison Duflon à Hong-Kong, elle devient en 1977 la Hutchinson Whampoa , un des trois leaders mondiaux de la manutention. En 1969 elle créait le Kong-Kong international terminal –HIT.
En 1979 la HSBC vend sa participation de 22% à l’homme d’affaire LI Ka-Shing, « protégé » de DENG XIaoPing. C’est l’homme de Pékin qui contrôle le complexe portuaire de Hong-Kong (entre autres).
La politique de Pékin lors de la rétrocession de Hong-kong
Pour bien compléter le dispositif de la Zone D’Administration de Hong-Kong -ZAS- lors de la prise de contrôle en 1997 : l’armateur TUNG Chee Wah est nommé chef de l’exécutif de la ZAS , encadré de LI Ka-Shing et d’un membre de la famille de Sir Y.K PAO, tous les trois nommés par Pékin.
Après deux mandats TUNG Chee Wah démissionna en 2005. Peu avant sa démission, le « Gouverneur » TUNG a été élu vice-président du comité national de la conférence consultative politique du peuple (CCPPC). Une très prestigieuse (mais honorifique) fonction qu’il avait bien méritée.
- 4 - Les grands ports chinois et les régions portuaires
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| Terminal container du port de Hong-Kong |
Le port de Qinglao (Tsintao) |
- 5 - La stratégie d'accompagnement de la "PLAN" - People's Liberation Army Navy -
« La puissance maritime tient en premier lieu au commerce et celui-ci suit les routes les plus avantageuses. La puissance militaire a toujours accompagné le commerce pour l’aider à progresser et pour le protéger ».
Dans son ouvrage "the influence of the sea power upon history", L’amiral Alfred .T. Mahan (1840-1914) père de la doctrine maritime des USA explique que la grandeur de l’empire britannique vient de sa suprématie maritime. Il a donc incité les USA à occuper des solides positions sur les principales routes maritimes du globe.
C’est exactement ce que les Chinois sont en train de faire et leur bras armé est la PLAN : People’s Libération Army Navy- autrement dit la marine de guerre chinoise.
Avec ses 70 navires de surfaces et ses 30 sous marins dont 3 nucléaires elle reste encore modeste en comparaison de celle des USA mais déjà son infanterie de marine est déjà la deuxième du monde, les arsenaux suivront….
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Base navale de la PLAN au sud de l'île de Heinan (photo satellite) |
Navire de la PLAN en visite en Nouvelle-Zélande |
- 6 - Conclusion
Le résultat de 40 ans d’efforts est impressionnant et à la hauteur de l’Empire du Milieu qui pourrait bientôt devenir le milieu d’un empire asiatique préoccupant (surtout pour les voisins.). Mais d’autres problèmes arrivent. 900 millions de chinois de l’intérieur doivent être désenclavés et mis au niveau économique du littoral maritime, sinon le parti communiste chinois aura du mal à sauvegarder l’unité du pays si précaire en Chine. Sans revenir au temps des seigneurs de la guerre, certaines provinces comme le Guangzhou jouent les matadors. L’hypertrophie des grandes villes due à l’exode rurale est inquiétante, elles deviennent incontrôlables. A Chongqing (Setchouan) l’ancien ministre du commerce extérieur Bao Xilai (5) est en train de remettre de l’ordre (bon courage).
Cependant, l’augmentation du pouvoir d’achat de la population de l’intérieur aura pour effet l’augmentation de la consommation et génèrera une augmentation considérable des flux d’échanges. Si tous les chinois veulent manger du chocolat et boire du café comme les occidentaux, il faudra des ports du café et des ports du cacao...
Mais la chine vieillit, regardez la pyramide des âges. Et peut être un jour, elle se rendormira...en attendant il va falloir compter avec elle.
© RCI – Alain Villefayaud -2010
Notes :
(1) J’ai visité en 1972 le port de Shanghai saboté en1949 par le kuo Ming Tang. Les installations portuaires étaient encore sinistrées et vétustes. L’acconnage laborieux. Le trafic était surtout du cabotage intérieur, de la batellerie. Les pavillons présents étaient principalement ceux des pays communistes ou de certains pays asiatiques.
(2) la jauge brute est une mesure de la capacité de transport d'un navire. Elle s'exprime en tonneaux de jauge brute (ou tjb), ou en mètres cubes. Un tonneau de jauge brute vaut 100 pieds cubes, soit environ 2,832 m3
(3) E.P.V : L’équivalent vingt pieds ( twenty feet unit –TFU – en anglais) est une unité de mesure de conteneur – norme ISO-668-1995- (voir dans onglet logistique : 100 millions de conteneurs)
(4)J’ai bien connu Sir YK PAO (notre revue dans son édition papier d’alors l’avait interviewé en 1982- voir en fin de texte – voir également l’article sur Y.K PAO dans onglet histoire-. C’était un homme très attaché à Hong-Kong à son particularisme. Il est décédé avant la rétrocession. il avait été l’avocat , auprès de DENG Xiaoping, d’une grande autonomie de HK .mais c’était avant tout un chinois qui aimait et respectait la grande Chine.
(5)- voir article sur Bao Xilai dans onglet portrait.
Sites Internet :
http://www.isemar.asso.fr/fr/pdf/carte-isemar-46.pdf
http://www.cosco.com/GC_report/GC_report2009/PDF/2008??????????.pdf
http://www.wwship.com
http://en.wikipedia.org/wiki/People's_Liberation_Army_Navy
Documents d'archive :
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REVUE DU COMMERCE INTERNATIONAL : 4° trimestre 1982 : Interwiew de sir Y.K. PAO
