Supprimée en 1957, puis reconstituée timidement durant les années qui suivirent, la profession d’avocat n’a véritablement commencé à renaître en Chine qu’en raison des contraintes nées des engagements commerciaux et internationaux de ce pays.
En effet, l’ouverture de la Chine à l’économie de marché décidée durant l’ère de DENGXIAOPPING, a provoqué des bouleversements socio-économiques considérables qui nécessitaient d’être accompagnés par des règles juridiques adaptées. A ces contraintes économiques s’est ajouté le souhait des dirigeants chinois de doter leur pays d’un mode de régulation plus efficace, moderne et prévisible, lequel a conduit le Ministère de la Justice Chinois à amorcer notamment, dès 1989, la rédaction d’une loi sur la profession d’avocat.
Enfin, la perspective de son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce (réalisée en 2001), a poussé la Chine à procéder à une modernisation de son système judiciaire, réformant en profondeur le personnel judiciaire chinois et permettant ainsi sa professionnalisation.
L’accès à la profession d’avocat et son organisation
En Chine, la profession d’avocat est ouverte à toute personne justifiant d’un niveau d’études de droit supérieur à trois ans ou d’une formation supérieure de plus de quatre ans quelle que soit la matière étudiée. Depuis 2002, le futur avocat doit passer un concours national unique puis obtenir auprès du Ministère de la Justice, chaque année, une licence d’exercice.
L’organisation de la profession d’avocat est basée sur le regroupement des avocats au sein d’associations professionnelles présentes auprès de chaque grande municipalité et province. Au dessus des associations locales, qui n’ont pas compétence pour autoriser l’exercice de la profession ni fixer de règles disciplinaires ou professionnelles (à la différence des barreaux français), existe une association nationale auprès de laquelle l’inscription de chaque avocat est obligatoire. Si les organes dirigeants de ces associations sont élus par leurs pairs, c’est le Ministère de la Justice par l’intermédiaire d’un directeur local du bureau de la Justice qui exerce le contrôle disciplinaire sur les avocats. La profession d’avocat est donc surveillée par des fonctionnaires, lesquels sont le plus souvent présidents des associations locales.
L’exercice de la profession d’avocat
L’exercice de la profession d’avocat consiste à assurer le conseil et la rédaction d’actes juridiques, à représenter les clients dans les procédures judiciaires ou lors de procédures de conciliation et d’arbitrage. Pour exercer ses fonctions, l’avocat doit ensuite s’associer au sein d’un cabinet car il ne peut pas prendre en charge d’affaires en son seul nom.
Il existe trois types de cabinets :
· Les cabinets d’Etat, créés sur fonds publics par les bureaux administratifs des affaires judiciaires.
· Les cabinets coopératifs, créés par conventions entre les avocats associés ayant des ressources suffisantes pour quitter les cabinets publics.
· Les cabinets associatifs, dont les associés sont responsables à la fois collectivement et de manière illimitée.
Mis à part les grands cabinets situés dans les villes où les investissements étrangers et le développement économique sont importants, la majorité des cabinets est généraliste. Certaines spécialités nécessitent d’ailleurs de se faire délivrer une licence spécifique, comme c’est le cas en matière de droit boursier.
Enfin, les avocats étrangers peuvent exercer leur profession en Chine à condition d’être titulaires d’une licence d’exercice délivrée par le Ministère de la Justice, de ne pas avoir pour collaborateurs, ni pour associés, des avocats chinois et de ne pratiquer que le droit international ou leur droit national, avec interdiction formelle de pratiquer le droit chinois.
Le manque d’indépendance des avocats Chinois
Les améliorations du statut des avocats en Chine se heurtent cependant à la question de leur indépendance.
Le meilleur exemple en est probablement l’article 306 du Code pénal de 1997, appelé « clause de faux témoignages des avocats » et ayant permis d’envoyer à ce jour environ trois cents avocats chinois en détention provisoire pour avoir simplement présenté un témoin contredisant celui présenté par le Procureur.
De plus, si la loi de 1996 protège théoriquement le secret et la confidentialité, en pratique une Cour peut demander à un avocat de lui faire connaître les éléments qui constitueraient un délit, son refus pouvant entraîner une sanction. De même, la loi prévoit au profit de l’avocat, un accès au dossier pénal qui, en pratique, est illusoire, l’avocat n’y ayant accès le plus généralement qu’à l’audience.
Dans ce contexte, les vocations d’avocats pénalistes sont découragées, phénomène ayant pour conséquence que seuls 30% des accusés, devant un tribunal criminel, parviennent à bénéficier de l’aide d’un avocat pour les représenter alors que parallèlement, les rémunérations des avocats œuvrant dans les domaines économiques et commerciaux ont explosé, suscitant au sein de la population une image de l’avocat purement intéressé et peu concerné par la défense des libertés.
Ces dernières considérations ne sont sans doute pas sans rapport avec l’apparition d’un réseau informel d’avocats (parfois autodidactes), baptisé « avocats aux pieds nus », dont les membres les plus célèbres sont Gao ZHISHEY et Chen GUANGCHENG, et qui se battent pour défendre les paysans victimes d’abus du pouvoir. Ils sont peu connus du public chinois puisque la presse prend soin de n’en jamais parler. Le mouvement des « avocats aux pieds nus » rend plus visible les limites des réformes engagées par la Chine, et plus généralement celles de « l’économie socialiste de marché ».
Le manque d’indépendance des avocats chinois conduit en effet à s’interroger sur le bon déroulement des affaires et la pérennité du développement économique de la Chine. Ce dernier reste en effet largement tributaire de la confiance des investisseurs étrangers, basée sur la prévisibilité et donc la sécurité juridique, principes inconciliables avec l’arbitraire,et que seul un Barreau indépendant permet de garantir.