L’ile développe une stratégie de conquête des marchés européens pour ses productions agricoles d’excellence.
La production agro-alimentaire homologuée bio, on le sait, a le vent fortement en poupe, et les échanges internationaux dans ce secteur d’activité sont en progression rapide. Certains pays producteurs s’en font une spécificité : le riz pour la Thaïlande, la banane pour le Costa Rica, l’ananas en Ouganda, le café pour le Brésil… Les pays riches, grands importateurs de cette production bio exotique, tentent un rééquilibrage en devenant eux-mêmes exportateurs de nourriture bio. Ils ont pour atout une meilleure fiabilité de leurs filières homologuées, et pour handicap d’avoir des marchés intérieurs fortement déficitaires en offre bio. C’est particulièrement vrai dans l’Union européenne, principale origine de ces productions en demande croissante par les classes moyennes des pays dits émergents. Et qui en est encore aux prémisses, c’est-à-dire à l’affirmation d’un marché unifié intra-communautaire.
C’est une chance nouvelle qui prend corps pour les régions dites à handicaps naturels, que la course en tête des agricultures industrielles a laissées dans les marges depuis quatre ou cinq décennies. Elles sont quelques-unes à s’en être emparées. En tête desquelles une semble bien avoir conquis le haut du podium : la Sicile. Insulaire, montagnarde, à l’espace rural fragmenté, elle est plus apte à une agriculture jardinière qu’à des solutions agro-industrielles. Et elle en tire les conséquences.
A la mi-septembre 2016, une douzaine de pays européens étaient invités, à Catane (500 000 habitants, la seconde ville de l’île), à l’initiative du réseau « Ospitalita italiana », qui fédère à travers le monde plusieurs centaines de restaurants et de commerces spécialisés. Etaient plus précisément ciblés les professionnels du commerce agro-alimentaire, de la restauration et du tourisme. Avec une offre très ciblée : les DOP (« Denominazione d’Origine Protetta », le sigle italien des AOP), les IGP, et surtout l’agriculture biologique. La centaine de producteurs insulaires sélectionnés pour cette rencontre, exploitants familiaux, sociétés, coopératives, couvraient une gamme de productions significatives de l’agriculture méditerranéenne : Les vins et les olives, bien sûr, mais aussi les fruits (raisins, agrumes, mangues, pistaches, avocats…) les miels, les plantes condimentaires...
Les statistiques européennes restent assez floues sur le sujet, notamment celles qui concernent les derniers pays adhérents en date, dont les critères et les dates de référence ne sont pas identiques. Mais l’Italie y figure dans le peloton de tête : près de 8%, en quatrième position, après l’Autriche (19%), la Suède (16%) et la Finlande ( 9 %). Mais en nombre d’exploitations certifiées, elle occupe la première place du classement européen, 45 000, sur un total de 600 000). Plus qu’ailleurs le bio et les certifications sont le fait de petites structures. Et la Sicile, plus que le reste de la botte. Un chiffre suffit à en attester : alors qu’en Italie, l’agriculture emploie moins de 2% de la population active (3% en France) , elle est de plus de 10% dans l’ile (statistique Eurostat 2013).
Ce qui n’est pas vécu comme un symptôme d’archaïsme. L’ile, naguère encore, était un territoire de matières premières, vins et olives, notamment, dont la valeur ajoutée allait fructifier ailleurs. Elle combat aujourd’hui sous ses propres couleurs. . Le vignoble a largement résisté à la domination des cépages devenus internationaux, cabernet-sauvignon, merlot, chardonnay… Il magnifie les rouges issus du Nerello Mascalese et de Nero d’Avola, les blancs d’Inzolia et de Grillo (le cépage du Marsala), en 32 DOP insulaires. A noter aussi la spécificité de l’Etna, un massif plus qu’un pic, dont les sols volcaniques créent un terroir singulier. Identifications aussi pour plusieurs huiles issues d’olives autochtones Nacellara del Belice et Cerasuola, pour le fromage Ragusano (vache), les pistaches Verde di Bronte. Plus un label d’origine plus général, IGT-Sicilia terra siciliane). C’est cette richesse dont les journées de Catane ont voulu marquer et booster la montée en puissance européenne.
Georges Châtain