Eau : Zoom sur Pékin

map de Pékin    Pékin, ville de 17 millions d’habitants située au nord-est du pays ne peut plus subvenir à ses besoins en eaux en termes de quantité et de qualité. Avec ses 575 millimètres de précipitations annuelles (dont l’essentielles sont concentrées en juillet-août), Pékin connaît un climat continental froid. Du fait de l’industrialisation et de l’exode rural, la consommation par habitant a été multipliée par 10 en 10 ans.

    Pékin consomme aujourd’hui plus d’eau qu’elle ne peut en recevoir. L’une après l’autre les rivières des alentours se tarissent, l’image la plus connu est celle du pont Marco Polo (le plus vieux pont de Pékin) surplombant le lit asséché du Yong ding. Dans les années 1950 ont pouvait encore s’y baigner.

    Pour abreuver Pékin, le Parti a fait financer dès les années 70 des forages dans toute la plaine du nord. Les villages situés près du lac de Shisanling ont chacun des puits de 300 à 400 mètres de profondeur, tous épuisés aujourd’hui ; ce qui amène les autorités à creuser encore plus profond, à 1000 mètres alors que l’eau y affleurait il y a encore un siècle (1). L’assèchement total de ces nappes est prévu pour 2025.

    Conscient du risque de pénurie, le gouvernement augmente timidement le prix de l’eau depuis 2006, mais par peur des tensions sociales, elle reste facturée très en deçà du prix de revient. Dans ce pays qui n’a pas encore intégré la notion de préservation des ressources naturelles, l’incitation à économiser est donc faible.

    Lors des J.O. il n’était pas question pour les autorités de montrer les pénuries d’eau. Les 100 km de canaux et le lac de 3 km en forme de dragon (symbole de l’eau) qui parcours le site olympique devaient être remplis. Mais comment trouver de l’eau ? Il y a deux stratégies sur laquelle la Chine ne joue rien de moins que son avenir :

- une utilisation plus rationnelle de la ressource : il s’agit de recycler l’eau du site olympique à 95%. La « matière première » (l’eau des égouts) sort des tuyaux de la municipalité via une usine d’assainissement. A terme cette « matière première » devra être prélevée dans l’eau du canal qui coule en lisière du parc, mais celle-ci est trop polluée par les aciéries Souhgang (2) responsables de 40% des émissions industrielles,

carte_eau_chine2.jpg- le transfert des eaux du Sud vers le Nord (Nan Shui Bei Diao). Un chantier titanesque qui prévoit la réalisation de plus de 3000 km de canaux, de tunnels, d’innombrables écluses et de stations de pompage. Il comporte trois parties :

• Branche ouest de dérivation (en bordure du plateau tibétain), les eaux de deux affluents du Yangtse doivent être dérivées vers le Fleuve Jaune. Cette partie absorbe la moitié du projet 60 milliards $ d’ici 2050.

• A l’est, réutilisation du Grand Canal pour dériver les eaux de la Huai Huai (un affluent de Yangtse) vers Pékin. Mais la Huai est gravement polluée par les tanneries et d’autre usines chimiques ou de pâtes à papier qui y rejettent un mélanger d’ammoniaque, de nitrogène, de phénols, etc... Ses eaux sont mêmes impropres à l’usage industrielle, et 15 ans de campagnes anti-pollution n’y on rien changé.

• Branche centrale de dérivation : en 2010, 1 milliard de m3 (soit le quart des besoins de Pékin) doivent être prélevé dans la bassin Han, un peu moins pollué que la Huai.

Quand on demande à Rémy PAUL (3) (Vice-président de Veolia Water China) son point de vue sur la pénurie d’eau en Chine, il évoque le cas de l’Australie où un schéma efficace, associant recyclage et dessalement de l’eau de mer a été trouvé sous la pression d’un stress hydrique intense. « Mon sentiment est qu’il faudra (en Chine) une mobilisation générale de toutes les ressources : le recyclage, le transfert des eaux vers le nord et le dessalement de l’eau de mer. » Mais le dessalement est coûteux et très gourmand en énergie, et l’énergie en Chine, c’est à 70% du charbon très polluant.

canal_chine.jpg© RCI -2009 - Florian DELABRACHERIE (sept. 2009)

 

(1) Tubieff Rachel, La face cachée de J.O., Sciences et Vie (hors-série), 2008
(2) Situées à 19 km de la Cité Interdite, le dégagement des ces aciéries à 240 km de Pékin a été le plus gros chantier des J.O. Ces aciéries emploient 120 000 personnes.
(3) Tubieff Rachel, La face cachée de J.O., Sciences et Vie (hors-série), 2008 p. 50