Définition :
La lettre de crédit est un engagement écrit pris par une banque de régler ou d'accepter un effet sur présentation de certains documents. Plus connue sous le nom de Crédit Documentaire parfois désignée par L/C, abréviation de Letter of Credit, ou encore dénommé Crédoc.
Le "crédit documentaire" est la convention à caractère irrévocable par laquelle un donneur d'ordre (l’Acheteur/ Importateur) prie sa banque de mettre à la disposition d’un bénéficiaire (le Vendeur/ Exportateur) qu'elle nomme ou à la disposition d'un tiers que ce dernier nommera, une somme d’argent déterminée contre la remise d'un titre de transport de marchandises (par exemple un connaissement) et de divers autres documents (par exemple un certificat d'origine, un certificat d'assurance), en respectant la période de validité de la convention. Ces documents attestant de la bonne exécution par le vendeur de ses obligations.
Aussi, le crédit documentaire est un instrument de crédit pour le commerce international et il ne fait pas l'objet d'une loi mais d'un Règlement établi par la Chambre de commerce internationale : les Règles et Usance Uniformes (RUU) révisées à compter du 1er juillet 2007.
Un peu d’Histoire :
La première utilisation de la lettre de crédit, qui fut l'un des premiers outils de paiement à distance émis au Moyen Âge, était faite par les banquiers lombards et hanséatiques ainsi que notamment les templiers.
En effet, ces derniers, à l’époque des croisés et afin de sécuriser les routes marchandes et de pèlerinage pour Jérusalem, ont institutionnalisé les premiers connaissements. Au travers de toutes les commanderies templières établies au Moyen Orient et dans le bassin méditerranéen de l’époque, il était possible aux pèlerins et aux marchands de voyager sans emmener avec eux trop d’argent et ainsi éviter de se faire détrousser par les pillards et autres bandits, pirates etc.…. En se présentant, et sous réserve d’être le détenteur ou le mandataire des documents (connoissement qui de nos jours est devenu depuis le XVIIIème siècle connaissement…), ils se voyaient remettre une somme d’argent convenue, ou la marchandise.
Avec le développement du commerce et notamment le développement des comptoirs aux Indes et aux Amériques, le besoin de sécuriser les échanges commerciaux a conduit les marchands à contractualiser les échanges pour palier aux divers risques et aléas du transport maritime (humains, climatiques…).
Car il a fallu répondre à deux exigences contradictoires : Celle de l’exportateur/vendeur qui est « paie en premier et ensuite je t’envoie les marchandises » et celle de l’importateur/acheteur qui est « dès que j’ai reçu les marchandises, je te paie »
C’est ainsi que le Crédit documentaire, sous sa forme moderne, par l’intermédiaire des banques, permet de garantir aux deux parties le débouclage de l’échange commercial sous réserve de répondre aux normes et procédures du Crédoc (et du contrat de vente entre les parties, indépendant du Crédoc) ; qui depuis l’époque des Templiers se sont complexifiées du fait même de la diversité des moyens de transport, de la diversité de la nature des marchandises transportées et de la dématérialisation des supports due aux progrès informatiques.
Les acteurs du Credoc :
Les documents du Credoc :
Documents exigés :
· Facture commerciale PRO FORMA (invoice en anglais). Celle-ci doit indiquer la description des marchandises ou de la prestation, le montant à régler, la devise et l'Incoterm.
· Document de transport, attestant de l'expédition de la marchandise. Celui-ci peut être :
o Un connaissement maritime (Bill of Lading en anglais), pour le transport maritime.
o Un connaissement de transport combiné (Combined Bill of Lading), si il y a transport mixte comprenant le transport maritime.
o UneLettre de transport aérien (Airway Bill en anglais), pour le transport par avion.
o Une Lettre de Voiture ou CMR pour le transport routier ou ferroviaire.
o Un FCR (Forwarder Certificate of Receipt), suivant l’incoterm, assure la bonne réception des marchandises par le transitaire. Ce dernier l’établit lors de la réception des marchandises pour ré acheminement vers le client.
· Certificat d'origine, pour permettre le dédouanement de la marchandise.
Des documents additionnels peuvent être requis pour la bonne exécution du contrat et suivant la nature des marchandises et leur pays d’expédition :
Etc…
Le fonctionnement du Credoc :
La négociation commerciale entre l’exportateur et l’importateur est le préalable à tout échange commercial, et le contrat signé des deux parties que doit faire figurer l’accord de paiement par crédit documentaire.
Il existe plusieurs sortes de crédit documentaire (voir plus bas), le plus courant étant le Crédoc irrévocable ; qui permet d’exporter avec le maximum de sécurité et de garanties de paiement.
Voyons le déroulement :
L’acheteur/donneur d'ordre demande à sa banque (banque émettrice) l'ouverture d'un créditdocumentaire irrévocable auprès de la banque du vendeur/bénéficiaire (banque notificatrice et ou confirmatrice), pour le compte de ce dernier.
1. La banque émettrice, celle de l’acheteur, transmet l’ensemble des documents à la banque notificatrice, celle du vendeur, et en précisant toutes les conditions d'utilisation et de paiement : montant, date de validité, désignation de la marchandise, date limite d'expédition, conditions de vente, de transport etd'assurance, documents exigés, délai de paiement.
Dès ce moment, la banque émettrice s'engage à payer le vendeur, à condition que ce dernier respecte scrupuleusement les conditions fixées, en fournissant notamment tous les documents requis dans les délais prévus.
2. La banque du vendeur (notificatrice) lui notifie cette ouverture de crédit, sans engagement de sa part.
Le vendeur peut demander à l’acheteur que le crédit documentaire soit en plus confirmé par la banque notificatrice (celle du vendeur). Cette confirmation, à la différence d'une simple notification, engage également la banque notificatrice à payer le vendeur, même en cas de difficulté à obtenir le transfert des fonds de la banque étrangère (banque émettrice). Cette confirmation élimine pour le vendeur le risque de non-transfert des fonds pris sur la banque émettrice, le risque politique du pays.
3. Dès réception de la notification du crédoc, le vendeur doit vérifier que les conditions fixées sont conformes au contrat commercial conclu avec le client-acheteur, et de pouvoir fournir tous les documents requis dans les délais impartis. Sinon, il doit demander sans attendre à l’acheteur qu'il fasse apporter par sa banque (émettrice) les modifications nécessaires.
Quand tout est correct, le vendeur expédie la marchandise.
4. Au même moment, le vendeur rassemble tous les documents exigés dans le crédit et les remet à sa banque (banque notificatice).
5. Si les documents sont conformes aux termes de l'ouverture du crédit, trois possibilités peuvent se présenter :
Ø Le crédoc est confirmé par la banque : celle-ci paie le vendeur à la date prévue et adresse les documents à la banque émettrice.
Ø Le crédoc est notifié par la banque du vendeur, mais utilisable aux caisses de la banque émettrice. la banque du vendeur (notificatrice) transmet les documents à la banque de l’acheteur (émettrice) qui, après vérification de leur conformité, règle alors le vendeur à l'échéance prévue.
Ø Le crédoc est notifié par la banque du vendeur et utilisable à ses caisses. La banque du vendeur réclame les fonds auprès de la banque émettrice (celle de l’acheteur) et les crédite au vendeur à réception. La banque du vendeur (notificatrice) adresse les documents à la banque émettrice.
6. Les documents sont transmis à l’acheteur, qui prend alors possession de la marchandise. L'engagement de payer des banques repose uniquement sur la stricte conformité des documents : ils sont donc examinés scrupuleusement, et la moindre faute de frappe peut être considérée comme une irrégularité. Exemple d’irrégularités :
Ø Crédit échu : le crédit documentaire comporte une date et un lieu d'expiration. Le vendeur/bénéficiaire devra les respecter, en particulier si le crédit expire dans le pays du donneur d'ordre/acheteur. Il devra alors présenter les documents à sa banque (notificatrice/confirmatrice) suffisamment tôt pour qu'ils soient étudiés et transmis avant l'expiration.
Ø Documents anciens : le crédit précise habituellement un délai de présentation des documents à la banque à compter de la date d'expédition de la marchandise.
Ø Expédition tardive : l'ouverture précise une date limite d'expédition.
Ø Erreurs de libellé : du nom du bénéficiaire/vendeur ou du donneur d'ordre/acheteur dans les documents : Les noms ou raisons sociales précisées dans l'ouverture doivent être scrupuleusement respectées dans les documents. Les adresses des différentes parties peuvent différer de la lettre de crédit à la condition d’être dans le pays indiqué initialement. En cas de faute de frappe, la banque demande au bénéficiaire/vendeur d'apporter les modifications nécessaires.
- S'agissant d'irrégularités légères, le bénéficiaire/vendeur peut être réglé sous réserve, mais en cas de contestation du donneur d’ordre/acheteur, le vendeur sera amené à rembourser les sommes perçues.
- S'agissant d'irrégularités graves (délai d'expédition non respecté par exemple), le crédit est inutilisable, et les documents sont adressés à l'encaissement après l’accord du bénéficiaire/vendeur. Le donneur d’ordre/acheteur doit alors exprimer formellement son accord pour le règlement du vendeur.
- Les Types de Credoc :
Ø Notifié et/ou Confirmé : un crédit notifié est simplement transmis au bénéficiaire/vendeur par la banque notificatrice (celle du vendeur), seul le risque commercial est couvert par la banque émettrice. Dans ce cas, le bénéficiaire/acheteur n'est pas protégé contre le risque de défaillance de la banque émettrice ou le risque de non-transfert des fonds (risque "pays"). Si le crédoc est confirmé, la banque notificatrice s'engage par sa confirmation à régler le bénéficiaire contre présentation de documents conformes, y compris en cas de défaut de la banque ou du pays émetteur. La confirmation est essentiellement utile vers les pays dits "à risques", elle couvre le risque politique. L'étude du risque est de la seule responsabilité de la banque notificatrice. La confirmation doit être autorisée par la banque émettrice (celle de l’acheteur), dans l'ouverture. En cas de refus, la banque notificatrice peut, alors, apporter une garantie de paiement au bénéficiaire au moyen d’une "confirmation silencieuse" ou de la conclusion d'un contrat de "ducroire" ; apportant une sécurité au bénéficiaire/vendeur qui, en cas de défaillance de la banque émettrice, sera réglé par la mise en jeu de cette garantie. La banque émettrice ne sera pas prévenue de la mise en place de cette garantie.
Ø Révocable ou Irrévocable : les Règles et Usances Uniformes 600 entrée en vigueur le 1 juillet 2007 suppriment la notion de crédit révocable qui peut être annulé par n'importe laquelle des parties. Il est donc contraire à l'esprit du crédit documentaire, car aucune garantie de paiement n’est fixée. Ce type de crédit était essentiellement utilisé par les entreprises et leurs filiales étrangères. C’est pourquoi, les crédits documentaires sont aujourd'hui quasiment tous irrévocables. L’annulation requiert l’accord conjoint des parties.
Ø Transférable ou Non transférable : si un crédit est transférable, tout ou partie de son montant peut être transféré à un ou plusieurs seconds bénéficiaires, sans besoin de l'accord du donneur d'ordre. C'est notamment le cas lorsque le vendeur est un sous-traitant, et non le fabricant des marchandises. Ainsi le paiement peut être demandé par une autre société inscrite par le vendeur/bénéficiaire à l'ouverture. Par contre, le changement de bénéficiaire d'un crédit non transférable doit faire l'objet d'une modification demandée à sa banque par le donneur d'ordre/acheteur.
Ø Négociable ANY BANK ou auprès d'une banque dénommée : si le crédit est négociable dans toutes les banques "ANY BANK" (restreint au pays du bénéficiaire/vendeur), le bénéficiaire à le choix de la banque auprès de laquelle il négociera le crédit et déposera les documents. Dans le cas contraire, la banque est imposée.
Conseils essentiels pour un Credoc :
ATTENTION aux délais d’expédition, de paiement, les banques, émettrice et notificatice, peuvent prendre entre 5 et 7 jours de délai maximum chacune pour vérifier scrupuleusement l’ensemble des documents du crédoc.
ATTENTION à la qualité et l’exactitude des documents : Le bénéficiaire/vendeur doit apporter un soin tout particulier à l’ensemble des documents avant de les présenter à sa banque (notificatrice/confirmatrice) afin d’éviter toute irrégularité qui pourrait retarder ou annuler le paiement.
ATTENTION au choix des incoterms ; En effet leur utilisation doit correspondre, au type de crédoc choisi.
ATTENTIONaux avances négociables. L’utilisation de certaines clauses appelé red clause ou green clause est un crédoc accordant une avance de fonds (attention aux taux et intérêts de retard fixé par la banque), versée par la banque du vendeur (notificatice) sur demande de la banque de l’acheteur (émettrice) avec l’accord de ce dernier, au bénéficiaire/vendeur avant que celui-ci présente les documents exigés par le crédoc à sa banque (notificatice). Cette clause met l'acheteur face au risque de défaillance d'un vendeur étranger. L’importateur peut l’utiliser, s’il a l’habitude de travailler avec l’exportateur et que les relations commerciales ont été éprouvées. Si l’exportateur est nouveau, cette technique d’avances est fortement déconseillée.
ATTENTION ! Le crédoc n'est qu'un engagement à payer sur présentation des documents. En aucun cas il n’engage la conformité de la marchandise ! L'acheteur n'a aucun recours si les documents sont conformes mais pas la qualité de la marchandise.
En effet tout au long du processus très procédurier, les banques ne vérifient que la validité des documents.
D’où l’importance des termes du contrat commercial d’origine signé entre le vendeur/bénéficiaire et l’acheteur/donneur d’ordre. Le seul moyen d’action de l’acheteur contre le vendeur en cas de marchandises non conformes, se trouve être le contrat de vente. Ce contrat de vente est indépendant du crédoc et ne concerne pas les banques, si ce n’est quand au choix du type de crédoc.
© RCI Olivier GENIN